Le prix unique du livre a fait ses preuves des décennies durant. Tous nos voisins le pratiquent. Il a permis de maintenir une production diversifiée, de niveau élevé et à des prix raisonnables. Grâce à lui aussi, les librairies peuvent jouer leur rôle de lieux comme lieu de rendez-vous culturels offrant un vaste choix d’ouvrages de toutes sortes. Et cela, pas uniquement dans les grandes villes. Seul le prix unique, appliqué de manière générale, permet d’utiliser les bénéfices faits avec la vente de bestsellers pour abaisser le prix d’ouvrages moins demandés, mais importants. Ainsi, les livres spécialisés et les manuels deviennent d’un prix abordable pour tout le monde.
Malgré ces avantages, le prix unique du livre a été supprimé en Suisse il y a quelques années ; cela, pour des raisons purement idéologiques. À l’époque en effet, il était de bon ton de supprimer tous les garde-fous possibles posés au capitalisme sauvage, afin de laisser le champ totalement libre aux super-spéculateurs, aux jongleurs de la finance et autres « prédateurs » de l’économie. Et cela, ça s’appelait « libéraliser ». Les conséquences sont connues. Sur les marchés libéralisés de l’électricité, les prix se sont mis à grimper et la sécurité de l’approvisionnement à disparaître. Dans les transports autrefois publics libéralisés et privatisés, la qualité a baissé et les prix sont montés. Largement « libéré » de toutes règles, le monde de la finance nous a conduits, après l’éclatement de diverses super-bulles, à un accident économique majeur qui a coûté et coûte encore aux contribuables du monde entier des centaines et des milliers de milliards de francs, de dollars et d’euros ainsi que des millions d’emplois.
Cette évolution négative, le Parlement suisse a voulu la stopper en réintroduisant, pendant qu’il était encore temps, le prix unique du libre. Dans la branche du livre, la concurrence ne devrait pas se faire à travers les prix et, donc, les salaires et les emplois. En matière de services, la concurrence était et reste demandée. Elle concerne l’assortiment proposé, les délais de livraison, les conseils donnés, les connaissances spécialisées du personnel et sa gentillesse. Dans tous ces domaines, les libraires et les éditeurs doivent se montrer aptes à innover. Et, pour apaiser les craintes des consommateurs et consommatrices d’être confrontés à des prix pas corrects fixés par des monopoles, la nouvelle loi qui réintroduit le prix unique du livre attribue au Surveillant des prix des compétences élargies.
C’est contre cette loi qu’Ex Libris a saisi le référendum et embauché les organisations de jeunesse de la droite. Ces opposants au prix unique du livre se dressent ainsi contre les PME locales que sont les librairies et les maisons d’édition, dont la quasi-totalité soutient la nouvelle loi avec les salarié(e)s et les organisations représentatives des consommateurs et consommatrices. Les Jeunesses de la droite se mettent ainsi du côté des discounters comme Ex Libris, la filiale de la Migros, et Weltbild. Pour elles, ce ne serait pas un problème si, à l’avenir, on ne pouvait plus acheter de livres que sur internet ou si l’on était contraint de choisir ses lectures dans l’assortiment réduit des grandes surfaces et des kiosques.
Que quelques libraires « indépendants » soient opposés au prix unique, parce qu’ils se sentent empêchés de prouver leur « aptitude à innover » en pratiquant un dumping sur les prix et en versant des salaires non conformes à ceux de la convention collective de travail, cela plaide uniquement pour la loi sur le prix unique du livre et nous incite à lui dire OUI le 11 mars prochain.