Le bras de fer autour de l'initiative pour des multinationales responsables connaît un nouveau chapitre pas très glorieux. La tactique dilatoire ne peut plus continuer : il faut adopter des règles efficaces afin d'assurer un comportement responsable des multinationales suisses à l'étranger.
En septembre 2017 déjà, le Conseil fédéral avait recommandé le rejet de l'initiative pour des multinationales responsables. Pourtant, il reconnaissait " les buts de l'initiative sur le fond " et estimait " qu'il est nécessaire d'agir en faveur des droits humains et de la protection de l'environnement dans le domaine de l'économie ". Comme trop souvent cependant, ces objectifs doivent être atteints uniquement par le biais de " l'engagement volontaire de l'économie ", un engagement que le Conseil fédéral juge déjà existant. Cette vision du gouvernement suisse est assez illusoire, comme le prouvent, malheureusement, les trop nombreuses nouvelles sur des sociétés suisses à l'étranger qui ne se comportent justement pas volontairement de manière très louable : au Pérou, des agriculteurs et agricultrices indigènes sont chassés de leurs terres, en Colombie, l'eau potable est polluée et en République démocratique du Congo, les employé-e-s dans les mines travaillent dans des conditions intolérables.
Le postulat de l'initiative pour des multinationales responsables est aussi limpide que logique : les entreprises ayant un siège en Suisse doivent veiller à ce que leurs activités commerciales respectent les droits humains et syndicaux ainsi que les normes environnementales reconnues au plan international. Elles doivent rendre des comptes sur ce sujet. Des violations de ces devoirs devraient avoir des conséquences et les entreprises devraient être tenues responsables si l'on veut que le respect de ces droits s'impose dans toutes les branches.
Des règles claires
L'initiative a du succès et atteint dans des sondages plus de 70 % d'avis favorables, un courant de sympathie qui fait trembler de nombreuses personnalités politiques de droite. C'est pourquoi l'éventualité d'assister à l'adoption d'un contre-projet fort n'est toujours pas exclue, même après les débats parlementaires interminables qui ont déjà eu lieu. C'est précisément ce que le Conseil fédéral veut éviter à tout prix. Dans une démarche tout à fait habituelle, il a donc statué à nouveau sur l'initiative : il a tout simplement repris son apologie de l'engagement volontaire des entreprises pour la transformer en contre-projet indirect. Les raisons de ce geste sont évidentes et maladroites en même temps : faire miroiter une volonté d'agir, mais surtout faire en sorte que tout reste comme avant.
Au lieu de se prendre pour le groupe de lobbying des multinationales, le Conseil fédéral serait bien avisé d'admettre enfin qu'il faut des règles claires pour mettre fin à des agissements irresponsables avérés à l'étranger. C'est du moins aussi ce que semble penser la Commission compétente du Conseil des États, qui a décidé récemment de poursuivre les délibérations sur un contre-projet.