Le palais fédéral de nuit, avec des éclairs en arrière-plan

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Programme d’austérité de la Confédération : le plat principal peu ragoûtant d’un menu immangeable

  • Finances et fiscalité
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Écrit par Reto Wyss

Le Conseil fédéral et le Parlement ont choisi depuis longtemps déjà la voie de l’austérité. Du point de vue de la politique financière, cette option est inutile, économiquement erronée et représente une impertinence pour la population et le personnel de la Confédération. C’est encore plus vrai pour le « Programme d’allègement budgétaire 2027 » présenté par le Conseil fédéral. Les syndicats vont s’y opposer avec détermination. 

Marge d’interprétation de la droite

Selon les critères de Maastricht, les pouvoir publics en Suisse présentent un taux d’endettement net de 25 %, alors que ce dernier est de 65 % en Allemagne. Le prochain gouvernement allemand à dominante bourgeoise a récemment décidé de créer préalablement, parallèlement au corset étroit du frein à l’endettement, un fonds spécial de 500 milliards d’euros. Le gouvernement suisse indubitablement dominé lui aussi par la droite s’obstine à vouloir appliquer une politique d’austérité sévère et prévoit, avec son « Programme d’allègement budgétaire 2027 », des économies annuelles (supplémentaires) de plus de 3 milliards de francs. Pour comparaison, si l’on voulait investir en Suisse dans le futur avec les mêmes ambitions que l’Allemagne, cela représenterait, par rapport à la taille de l'économie, un montant d'environ 100 milliards de francs. On pourrait faire beaucoup de choses avec cet argent : corriger les manquements de la transition énergétique par un programme d'investissement public substantiel ; remédier à l'énorme manque de personnel indigène dans le secteur de la santé et des soins par une offensive en matière de formation et de salaires ; donner à l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie, financée de manière totalement antisociale, une base de financement solidaire ; combler le retard flagrant en matière de numérisation, bien au-delà de l'administration publique, etc.

L’austérité, une hypothèque pour les générations futures

L’Allemagne pourra se permettre d’avoir son fonds spécial parce qu’il n’existe tout simplement aucune alternative pour une économie et une société qui fonctionnent. Il suffit de penser par exemple au retard en matière d’investissement dans l’infrastructure ferroviaire, que les générations passées ont laissé aux générations actuelles et futures (pour reprendre les termes des défenseur-e-s du frein à l’endettement). Si l’Allemagne le peut, la Suisse le pourrait bien sûr aussi (voir la comparaison « maastrichtienne » ci-dessus). Cependant, la Suisse pourrait, voire devrait renoncer d'urgence à la politique d'austérité qu'elle a adoptée. Car celle-ci est financièrement inutile, économiquement totalement erronée et représente une impertinence pour la population. 

Les principaux problèmes de la politique financière suisse ne sont pas les dettes et les déficits, mais les excédents et l’augmentation de la fortune de l’État au détriment des ménages privés et des assurances sociales. Les revers de cette politique sont, d’une part, une baisse persistante du pouvoir d’achat de larges couches de la population et, de l’autre, un sous-financement (ou un financement inéquitable) des investissements et des services publics. 

Un programme d’austérité inutile, ne serait-ce que sur le plan comptable

Entre-temps, la Confédération, les cantons et les communes disposent de plus de120 milliards de francs de capitaux propres C’est pourquoi, il faudrait en premier lieu adapter le frein à l'endettement conformément à la Constitution de sorte que la Confédération puisse à l'avenir dépenser autant qu'elle gagne au lieu de réaliser des excédents structurels qui seront finalement toujours improductivement « mis de côté ». Ces excédents résultent de manière chronique, d’une part, de la sous-estimation des recettes et, de l’autre, du dépassement des dépenses. Ensemble, ces écarts se sont élevés à chaque fois à 2,1 milliards de francs en moyenne entre 2005 et 2021, et même à 2,7 milliards de francs pour la dernière année comptable 2024 Le parallèle intéressant à faire avec ce chiffre est qu’il correspond exactement au volume d’économies supplémentaires prévu par le Conseil fédéral pour 2027. Cela signifie que, sur le long terme, les écarts budgétaires annuels rendront à eux seuls les mesures d'économie prévues déjà presque obsolètes.

Une politique financière difficile à digérer depuis longtemps déjà

Le programme d’austérité mis en consultation par le Conseil fédéral n’est pas du tout, comme déjà mentionné, le hors d’œuvre, mais quasiment le plat principal d’un menu peu ragoûtant que de nombreuses entrées immangeables ont déjà précédé, et dont voici quelques exemples seulement : pour 2024 et 2025, d’énormes « coupes transversales » ont et auront lieu, la participation financière de la Confédération à l’assurance-chômage a été réduite et le personnel de la Confédération ainsi que l’aide au développement en particulier doivent supporter des coupes radicales au profit d’une augmentation massive et dépourvue de toute stratégie des dépenses de l’armée. Et maintenant, le plat de résistance : économies dans l’AVS et les réductions des primes-maladie, augmentation du prix des billets des transports publics ainsi que des taxes d’études, érosion sous l’angle de la politique financière des objectifs climatiques, net affaiblissement de la formation et de la recherche, nouvelles coupes dans le personnel, etc. La liste exhaustive des 59 mesures est bien trop longue.

Des coupes perceptibles à court et à long terme

Les dégâts causés par la politique d’austérité et ceux qui s’y ajouteraient si le programme d’austérité était adopté sont perceptibles à de nombreux niveaux. D’une part, de manière très directe et à court terme. Si la Confédération réduit par exemple ses contributions aux écoles polytechniques fédérales, aux universités et aux hautes écoles spécialisées, les taxes d'études seront tout simplement doublées (le Conseil fédéral lui-même part de ce principe). Conséquence directe : la sélection sociale dans l’enseignement supérieur continuera d’augmenter et de ce fait aussi, à long terme, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Indirectement et à long terme, ce sont surtout les effets des coupes prévues en dehors du budget de la Confédération qui se feront sentir, comme par exemples pour le fonds d'infrastructure ferroviaire. Si on réduit ces apports de 200 millions de francs par an comme prévu, il ne se passera pas grand-chose aujourd’hui. Mais un jour ou l’autre, le réseau ferroviaire sera peut-être devenu vétuste et un train sur deux partira avec du retard. Les voyageurs et voyageuses allemands en Suisse - et cela nous ramène au point de départ de cet article - se rappelleraient alors avec étonnement l'état actuel des chemins de fer allemands. Ce serait faire preuve d’une stupidité absolue que de laisser les choses aller aussi loin.

C’est pourquoi les syndicats continueront à s’engager de toutes leurs forces contre cette politique d'austérité néfaste.

 

Responsable à l'USS

Reto Wyss

Secrétaire central

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Reto Wyss

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