Les négociations sur la modernisation de l'accord de libre-échange avec la Turquie sont sur le point de prendre fin. L'Union syndicale suisse (USS) demande que rien ne soit signé sans amélioration perceptible de la situation en matière de droits humains dans ce pays.
Vendredi 24 novembre, le Conseil des ministres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) s'est mis d'accord sur le fond pour conclure les négociations au sujet de la modernisation et de l'élargissement de l'accord de libre-échange existant. Le nouvel accord devrait entre autres contenir un " chapitre sur la durabilité " relatif au respect de normes sociales et environnementales.
Dans une situation politique normale, une telle révision serait à saluer, l'économie suisse dépendant dans une grande mesure du commerce international. Ajouter à l'accord un chapitre sur les droits humains et les normes environnementales est, dans ce cadre, le résultat d'une revendication des syndicats et d'ONG.
Mais : la situation politique est depuis longtemps tout sauf normale en Turquie. Selon Amnesty International, plus de 130 000 employé(e)s de l'État - dont des dizaines de milliers d'enseignant(e)s et des centaines de juges et de syndicalistes - ont été licenciés et/ou emprisonnés depuis l'échec du coup d'État. De très nombreux maires membres de l'opposition ont été destitués et des parlementaires ont été incarcérés. Des centaines d'ONG ont dû stopper leurs activités, l'institution nationale des droits humains a été dissoute. Des dizaines de journalistes (aussi des étrangers) se trouvent en détention préventive et la Turquie n'a pratiquement plus de presse libre.
Dans ce contexte, la ratification prévue de cet accord est un signal totalement erroné. Cela, tant à l'adresse du gouvernement turc que pour tous les autres pays qui font pression depuis des mois sur le régime d'Erdogan. Ce serait là rendre un mauvais service à la population turque également, en particulier à la minorité kurde. L'accord visé avec la Turquie menace en outre la crédibilité de tous les chapitres sur la durabilité introduits dans ce genre d'accord depuis 2010. Il faut en effet partir de l'idée qu'en l'absence de mécanismes de sanctions, le gouvernement turc prouverait très rapidement que ces dispositions sont malheureusement sans grande valeur.
Suite à l'annexion de la Crimée par la Russie, l'AELE a gelé à juste titre le processus de négociation avec l'union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan. Il n'y a aucune raison de se montrer plus souple avec la Turquie. C'est pourquoi l'USS a envoyé une lettre au Conseil fédéral pour lui demander de faire d'une amélioration substantielle de la situation en matière de droits humains une condition à la ratification de l'accord.