Bien que, dans la plupart des cantons, les recettes fiscales ont diminué et diminuent encore à cause de la crise, la course aux baisses d’impôts se poursuit. C’est notamment le cas en Suisse centrale : déjà très favorable, fiscalement parlant, aux entreprises, le canton de Lucerne va abaisser, en 2012, son impôt sur les bénéfices au niveau le plus bas jamais atteint. Mais Nidwald n’a pas dit son dernier mot et annonce d’ores et déjà la prochaine étape en promettant une baisse de ses impôts sur le bénéfice ainsi que de ses taux d’imposition pour les hauts revenus. Résultat : en juillet dernier, le parlement du canton d’Obwald a décidé d’abaisser lui aussi les impôts sur le bénéfice, afin d’offrir à nouveau les taux les plus bas. Après l’impôt à taux unique introduit à Obwald, le canton d’Uri a lui aussi instauré sur son territoire cette « flat rate tax » avec l’argent reçu de la nouvelle péréquation financière. La course aux baisses d’impôt, qui a subi un coup d’accélérateur ces dernières années, n’est pas encore arrivée à son terme.
Plus de recettes uniquement pour les régions proches des grands centres économiques
Les cantons qui recourent à de telles pratiques se justifient en expliquant que la charge fiscale cantonale doit être faible pour séduire les entreprises et les hauts revenus. Or, et c’est prouvé, la charge fiscale est un facteur dont le rôle est relativement négligeable dans le choix d’un site d’implantation plutôt que d’un autre. D’autres facteurs, comme la qualité de vie et les infrastructures, jouent un rôle bien plus important, et – pour les entreprises – la présence sur place de personnel qualifié ou la proximité avec la clientèle.
Du reste, même si la charge fiscale était un facteur important, la Suisse n’aurait aucun problème. Les impôts sur le bénéfice et sur le revenu sont très bas dans notre pays en comparaison internationale. S’ils sont encore plus diminués, le seul résultat sera d’augmenter les pertes de recettes fiscales. Les baisses d’impôts peuvent tout au plus apporter des recettes supplémentaires aux petits cantons et aux petites communes situés à proximité des grands centres économiques, et cela, au détriment des centres qui doivent alors accepter de voir fuir un certain substrat fiscal. Les baisses d’impôt sont le plus souvent des opérations déficitaires, comme le disent – paradoxalement - les gouvernements cantonaux eux-mêmes. Presque tous les projets visant à réduire les impôts présupposent des pertes de recettes fiscales. La démonstration est particulièrement probante dans le cas de la suppression de l’impôt sur les successions pour les descendants directs. Depuis les années 1990, presque tous les cantons l’ont aboli. Conséquence : les recettes au titre de cet impôt ont diminué de quelque 500 millions de francs, sans pour autant que celles provenant de l’impôt sur la fortune aient augmenté.
Le revers de la « médaille » : des loyers qui augmentent
Du point de vue économique, la concurrence fiscale entre cantons ne peut en aucun cas fonctionner. Tous les habitant(e)s du pays peuvent se déplacer librement et profiter des prestations publiques (transports, culture, sécurité, etc.) sur l’ensemble du territoire, quel que soit leur canton de domicile. Comme Oswald Grübel ou Marcel Ospel, ils peuvent payer des impôts très bas à Wollerau, mais bénéficier de la qualité de vie de Zurich.
Les victimes en sont alors les personnes à faibles ou moyens revenus. En effet, là où elles sont décidées, les baisses d’impôts vont généralement de pair avec une hausse du prix des terrains et des loyers. Cette personnes doivent alors faire face en consacrant une part de leur revenu plus importante que les économies réalisées grâce aux baisses d’impôts. Le cas du canton de Zoug le montre très clairement.
L’initiative pour des impôts équitables, un pas vers une politique fiscale raisonnable
C’est pour ces raisons que le Parti socialiste a lancé l’initiative « pour des impôts équitables ». Cette initiative populaire demande l’introduction de taux d’imposition minimaux de 22 pour cent pour les très hauts revenus et de 5 pour mille pour les grandes fortunes. Les personnes vivant seules sont visées à partir d’un revenu imposable de 250 000 francs, ce qui correspond à un revenu brut compris entre 300 000 et 350 000 francs. L’initiative ne concerne du reste que les fortunes qui dépassent 2 millions de francs. L’interdiction de la taxation dégressive empêche en outre de privilégier fiscalement les couches sociales particulièrement aisées et mobiles. Cela concerne moins de 1 pour cent de la population suisse ; cette petite minorité profite aujourd’hui d’une concurrence fiscale effrénée, au détriment de la majorité.