Les cantons ont traversé la crise de la pandémie sans réelles difficultés financières : c’est ce que démontre l’analyse annuelle que l’USS fait des finances cantonales. Ils disposent donc d’autant plus de marge de manœuvre pour pratiquer une politique de dépenses active. Les erreurs répétées tant de fois par le passé doivent enfin cesser.
Une situation financière très confortable
Avec la crise sanitaire, de nombreux cantons ont décidé en 2020 de procéder à des dépenses supplémentaires pour financer des mesures de soutien. Ils les ont par la suite intégrées formellement dans les budgets 2021. Les dépenses globales cumulées prévues ont ainsi grimpé de 2,1 milliards de francs. Mais, pour les comptes de l’exercice 2021, il faut s’attendre à des dépenses effectives nettement inférieures. Cela s’explique, d’une part, par l’évolution étonnamment bonne de l’économie et, de l’autre, par le fait que, finalement, ce ne sont pas les cantons, mais la Confédération qui a financé la majeure partie des mesures de crise. Si l’on considère les dépenses totales inscrites aux budgets 2022 des cantons, on constate une certaine normalisation : les dépenses augmentent cumulativement de 1,9 %, soit de 2,2 milliards, par rapport au budget 2021 (en guise de comparaison : l’augmentation des dépenses dans le budget 2020 a été de 2,5 %, soit 3 milliards). Seuls quatre cantons prévoient une baisse de leurs dépenses, dont celui de Saint-Gall qui sort du lot – dans le mauvais sens du terme – avec un programme d’austérité totalement absurde de 100 millions.
Si la situation des cantons est très bonne en matière de dépenses, elle l’est également en ce qui concerne les recettes. Même pendant l’« année de la pandémie » 2020, leurs recettes fiscales ont été dans l’ensemble plus élevées – étonnamment – que l’année d’avant-crise 2019. Et pour l’année budgétaire suivante, presque tous tablent sur une hausse de leurs recettes. En moyenne, celles-ci devraient augmenter de 4 %, soit de 1,6 milliards (recettes cantonales cumulées). Si l’on compare les recettes fiscales budgétées pour 2022 avec le budget 2019, les recettes fiscales des cantons augmentent de 3 %, ou 800 millions, et dépassent ainsi clairement leur niveau d’avant la crise.
Erreur de budgétisation et accumulation de la fortune
Depuis des années, la plupart des cantons dressent des budgets trop pessimistes, c’est-à-dire que leurs comptes bouclent systématiquement sur des résultats bien meilleurs que ce qui avait été budgété. L’année prochaine, cette « erreur de budgétisation » augmentera même de façon spectaculaire, ne serait-ce qu’en raison de la distribution des bénéfices de la Banque nationale (BNS). Avec l’évolution économique actuelle et la situation de la BNS, on peut à nouveau tabler sur une distribution maximale – c’est-à-dire sextuple – des bénéfices de la BNS en 2022. Or à peine la moitié des cantons l’ont budgétée ainsi. Si l’on additionne les distributions sciemment non budgétées par les cantons, on obtient un montant total de près d’un milliard. Au lieu d’être affecté à des dépenses utiles – et les besoins sont plus que suffisants, ne serait-ce que pour les réductions de primes-maladie –, cet argent servira presque partout, fin 2022, à une nouvelle accumulation de la fortune, superflue et onéreuse (taux d’intérêt négatifs !).
Baisses d’impôt : combien de temps encore ?
Dans le domaine de la politique fiscale, entre baisses d’impôts importantes et grands bouleversements des dernières années (mise en œuvre de la RFFA dans les cantons), on aurait pu s’attendre pour un temps à une certaine stabilité. Mais il n’en est rien : près de la moitié des cantons prévoit de nouvelles baisses d’impôt pour 2022 ou au plus tard 2023, que ce soit pour les entreprises ou les ménages aisés, voire les deux. Ce nouvel épisode de compétition fiscale est totalement aberrant et, au bout du compte, préjudiciable à tout le monde. En effet, les cantons ne sont plus en concurrence avec des sites économiques étrangers (où la charge fiscale est presque toujours plus lourde), ils ne font que se cannibaliser entre eux. Cela devrait toutefois changer très prochainement avec l’introduction de l’impôt minimal sur le bénéfice de 15 % décidé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Une grande partie des cantons suisses seront touchés. Raison pour laquelle il vaudrait mieux, dès maintenant, « se coordonner vers le haut » plutôt que de pratiquer une absurde « concurrence vers le bas ».