Bien que sauvée par les pouvoirs publics, l’UBS a décidé de continuer à verser des bonus, comme c’est l’usage chez elle. De quoi soulever l’indignation de toute personne normalement constituée. Or le Conseil fédéral, le président de la Banque nationale (BNS) et l’autorité de surveillance des marchés financiers, la FINMA, estiment justifiée la distribution de deux milliards de bonus. « Je trouve que c’est en ordre », a dit la conseillère fédérale Doris Leuthard au Forum économique mondial de Davos, car il semble qu’il ne s’agit pas uniquement de bonus, mais, par exemple, d’un 13e salaire figurant parmi les coûts salariaux variables.
Ainsi, une nouvelle mode linguistique a conquis notre pays, du moins ses éléments bourgeois : « bonus » est un terme désormais stigmatisé et honni, alors que « parts variables du salaire » est une expression agréée et même défendue par le président de la BNS, Monsieur Jean-Pierre Roth.
Les pratiques restées opaques de l’UBS
Peut-être bien que le système salarial de l’UBS est aussi opaque que les « produits structurés » de cette dernière et que plus personne n’y comprend plus rien. Mais la grossière stratégie de justification de l’UBS adoptée par notre gouvernement et consorts consiste uniquement à jeter de la poudre aux yeux. Du réchauffé !
Le concept de « bonus » est un concept séduisant dont la définition juridique n’est pas claire. Il est la « part variable du salaire » par excellence, car il peut être tout ce qui, touchant à la rémunération du travail, n’est pas compris dans le salaire fixe. Un bonus peut jouer le rôle d’une gratification, une prime au rendement ou une participation aux bénéfices. Mais un 13e salaire n’est pas un bonus parce que, s’il est convenu, il fait partie du salaire fixe. Les deux milliards de l’UBS ne sont donc pas affectés au versement d’un 13e salaire, mais à des indemnisations variables toujours aussi opaques.
Le bonus peut être une part du salaire, lorsqu’il est calculable sur une base objective. Cela veut dire qu’il est impérativement dû lorsqu’il correspond à une prestation objective, par exemple la réalisation d’un bénéfice ou d’un but défini. Mais le hic, c’est l’appréciation de ce dernier…
Toujours le risque du copinage
Passons maintenant à la question du montant du bonus. Il peut être clairement défini – par exemple : 1 mois de salaire), ou laissé à l’appréciation du patron, comme c’est souvent le cas. Ce dernier souhaite en effet la plus grande flexibilité possible en cette matière, souhaitant se réserver le droit de ne pas traiter tous ses employé(e)s de la même manière ; cela, afin de pouvoir « mieux » en récompenser certains. Un système de bonus ne tombe pas du ciel, mais est mis au point par la direction qui lui donne ensuite sa bénédiction. Il va donc de soi que les plus « intimes » recevront le plus, quelle que soit leur prestation. Si bien qu’un tel système devient un simple « libre-service ».
Les problèmes rencontrés lors de l’appréciation de la prestation fournie et de la part variable du salaire n’apparaissent pas uniquement dans le cas de systèmes de bonus. Les rémunérations variables sont toujours sujettes à une partialité opaque et au copinage, les critères les plus pointus n’étant pas d’un grand secours ici.
La solution s’appelle « salaires fixes »
En rebaptisant « parts variables du salaire » les bonus et en en justifiant le versement, les sauveteurs de l’UBS pérennisent telle quelle l’ancienne politique salariale des banques. La solution, ce ne sont pas de nouvelles formes de parts variables du salaire, car elles incitent non pas à plus de prestations, mais à un comportement dangereux. La solution s’appelle « salaires fixes ». Une solution qui s’applique aussi bien aux entreprises soutenues par l’État, comme l’UBS, qu’aux autres établissements bancaires. Si les accros du libre-service décrit plus haut veulent continuer à (s’) octroyer des millions de francs de rémunérations variables, alors il faudra que ces versements soient au moins soumis à l’impôt sur les bénéfices.