Travailleur plus âgé travaillant avec une machine dans l'usine

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Personnes vulnérables : les employeurs doivent respecter la loi !

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Écrit par Luca Cirigliano

Grâce à la pression des syndicats, les employé-e-s vulnérables sont à nouveau protégés

Après un mois de peur et d’incertitude pour les travailleurs et travailleuses vulnérables, le Conseil fédéral a enfin revu sa copie – sous la pression des syndicats : les personnes vulnérables ne peuvent plus être contraintes de se rendre sur le lieu de travail. Reste à faire entendre ce message aux employeurs et employeuses*.

En édictant une interdiction de travail pour les employé-e-s vulnérables le 16 mars, le Conseil fédéral avait trouvé une bonne solution, facile à comprendre : les employé-e-s des groupes à risque (ou « employé-e-s vulnérables ») devaient soit faire du télétravail, soit rester chez eux sans travailler – sur présentation d’une attestation médicale – tout en touchant leur salaire. Mais quelques jours plus tard seulement, le 20 mars, le Conseil fédéral cédait à la pression de certains employeurs et supprimait de facto cette protection.

Depuis cette date, les syndicats se sont démenés pour que le gouvernement fasse marche arrière. Et ça a payé : le 17 avril, cette protection a été rétablie. Mais l’ordonnance ainsi révisée est un peu plus complexe et fastidieuse que la version initiale sur ce point. Conséquence : l’incertitude persiste chez les salarié-e-s. Et certains patron-ne-s ne se gênent pas de continuer de forcer des personnes vulnérables à se rendre au travail, au mépris du droit et de leur devoir de diligence. C’est inadmissible : les employeurs doivent respecter le droit en vigueur depuis le 17 avril !

En principe : seulement sur une base volontaire

Le nouvel article 10c de l’ordonnance 2 COVID-19 prévoit une sorte d’hiérarchisation des dispositions par palier : la première solution, c’est le télétravail. À l’autre bout de la chaîne, il y a le droit, pour l’employé-e, de continuer de toucher son salaire sans devoir travailler s’il ou elle reste à la maison (pour des raisons motivées). Cette disposition correspond à une interdiction de travail, comme elle existe par exemple pour les femmes enceintes.

Dans le détail, l’enchaînement des dispositions se présente ainsi : lorsque le travail ne peut absolument pas être effectué depuis la maison (ni d’ailleurs une éventuelle activité de remplacement), l’employeur peut proposer à l’employé-e de venir travailler sur place, moyennant des conditions très strictes (deuxième palier) :

  • L’employé-e travaillera sur le lieu de travail seulement si (et aussi longtemps que) c’est nécessaire pour des raisons d’exploitation de l’entreprise.
  • La place de travail doit être aménagée de telle sorte que « tout contact étroit avec dʼautres personnes soit exclu, notamment en mettant à disposition un bureau individuel ou une zone clairement délimitée où la distance minimale de deux mètres est respectée ».
  • Dans les cas où « un contact étroit sʼavère parfois inévitable, des mesures de protection appropriées sont prises, selon le principe STOP (substitution, mesures techniques, mesures organisationnelles, équipement de protection individuelle) ».
  • Par ailleurs, l’alinéa 5 prévoit que l’employeur doit toujours consulter l’employé-e concerné avant de prendre les mesures prévues (tâches de substitution à effectuer à la maison ou dans l’entreprise, mise en œuvre des normes de sécurité).

On voit bien à quel point les exigences de protection de la santé sont élevées – et c’est tout à fait justifié.

Enfin, même si l’employeur remplit toutes les conditions, l’employé-e vulnérable peut refuser de se rendre sur le lieu de travail (troisième et dernier palier) si :

  • l’employeur ne remplit pas les conditions précitées
  • ou si, « pour des raisons particulières », l’employé-e « estime que le risque d’infection au coronavirus est trop élevé malgré les mesures prises par l’employeur… ».

Ces raisons peuvent être multiples :

  • méfiance envers les mesures prises par l’employeur,
  • anxiété personnelle,
  • risques sur le chemin du travail, par exemple lorsqu’il faut utiliser les transports publics.

Les motifs pour un refus d’accomplir une tâche sont laissés à une interprétation assez ouverte. L’employé-e peut faire valoir sa vulnérabilité par une déclaration personnelle. Il peut la faire confirmer par une attestation médicale si l’employeur l’exige. Il est bien entendu exclu de faire figurer un diagnostic sur l’attestation (protection des données).

D’un point de vue juridique, on peut même se poser la question si les personnes à risque qui sont particulièrement anxieuses ou sensibles ne devraient pas bénéficier d’un certificat médical d’incapacité de travail pour maladie. En effet, ces personnes sont « dans l’incapacité de travailler sur le lieu de travail » pour des raisons psychiques pendant cette pandémie. Il s’agirait alors d’une incapacité de travail au sens de l’art. 324a du Code des obligations et l’employeur, respectivement l’assurance d’indemnité journalière, serait tenu de fournir les prestations en conséquence (salaire ou indemnités).

Même sans être en arrêt maladie, l’employé-e vulnérable a le droit de toucher intégralement son salaire. Il peut aussi donner son accord pour que l’employeur demande les indemnités de chômage partiel pour lui.

Protection contre le licenciement jusqu’à la fin de la pandémie

Concrètement, l’article 10c de l’ordonnance contient une interdiction de travail. Et dans les cas d’interdiction de travail, il y a des délais de protection contre le licenciement comme c’est le cas par exemple pour les femmes enceintes et en période d’allaitement. Par analogie, le même délai de protection vaut pour l’interdiction de travail basée sur l’ordonnance sur le COVID-19. C’est d’ailleurs ce qui correspond à la volonté du législateur : personne ne doit être licencié lorsqu’elle ou il n’a aucune chance de retrouver un emploi. En effet, aucun employeur ne voudra embaucher une personne en sachant que celle-ci ne sera pas en mesure de venir travailler en raison de son facteur de risque.

Le but de l’ordonnance 2 Covid-19 est de protéger la population au plan épidémiologique. Il faut que le moins de personnes possible soient infectées par le coronavirus. Pour que l’article de l’ordonnance qui concerne les employé-e-s vulnérables ait la plus haute efficacité possible, il serait utile que les employé-e-s vulnérables puissent informer leur employeur de leur situation de personne à risque. Mais la plupart ne le feront que si cela ne met pas en péril leur place de travail. Voilà pourquoi, du point de vue de l’USS, les employé-e-s vulnérables bénéficient d’un délai de protection contre le licenciement tant que la pandémie n’est pas finie.

* Dans la suite de l'article, le mot « employeur » sera utilisé comme terme générique à la place d’« employeur et employeuse », afin de ne pas alourdir la lecture du texte.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

031 377 01 17

luca.cirigliano(at)sgb.ch
Luca Cirigliano
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