Les enfants à la maison

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La garde des enfants en pleine période de coronavirus

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Écrit par Regula Bühlmann

La crise sanitaire actuelle met en évidence le rôle essentiel des structures d'accueil.

Au quotidien, nous considérons certaines choses comme allant de soi : le matin, amener les petits à la garderie ou chez les grands-parents avant de se rendre au travail ; demander à la grand-mère si elle peut, au pied levé, garder le petit qui est tombé malade ; pendant les vacances scolaires, envoyer l’aînée au zoo avec son grand-père… Et puis soudain, du jour au lendemain, tout cela n’est plus possible. Soudain l’on se rend compte à quel point la contribution – gratuite ! – des grands-parents, mais aussi d’innombrables employé-e-s de garderies – dont le salaire est modeste malgré les pénibles conditions de travail –, à quel point en temps normal leur contribution au fonctionnement de la société est immense.

Aujourd’hui, le soutien des grands-parents pour la prise en charge des enfants fait totalement défaut – et il pourrait s’écouler un certain temps avant que leurs petits enfants ne puissent les approcher sans représenter une menace pour leur santé, voire pour leur vie. Les écoles aussi sont fermées. Certes, le Conseil fédéral a ordonné aux cantons d’organiser un service d’accueil minimum pour la garde scolaire (jusqu’en 6e primaire ou 8H) et préscolaire pour les parents qui, dans cette situation extraordinaire, n’ont pas de solution de garde. Parallèlement, les institutions de garde d’enfants doivent prendre les mesures de sécurité nécessaires pour protéger leur personnel et stopper la propagation du coronavirus. Pourtant, en matière de garde d’enfants, cela n’est guère possible : Comment consoler à deux mètres de distance ? Et langer… ? De plus, contrairement au personnel de santé, les employé-e-s de garderie ne disposent ni de vêtements protecteurs, ni de masques.

Inégalités entre les familles

La Confédération ne dit pas comment résoudre ces problèmes – car le fédéralisme helvétique confie cette tâche aux cantons. Et ceux-ci s’exécutent, mais de manières très différentes. Certains cantons appellent les parents à garder leurs enfants à la maison, mais leur laissent le soin de décider s’ils sont raisonnablement en mesure de le faire – ainsi, dans plusieurs cantons, les employé-e-s en télétravail peuvent faire garder leurs enfants pour pouvoir être un tant soit peu productifs. D’autres cantons réservent leur offre de garde d’enfants aux parents dont la profession est d’importance systémique.

Toutefois, même la définition des professions « d’importance systémique » diverge sensiblement d’un canton à l’autre. Si les professions de la santé y sont toujours incluses, quelques cantons ont exclu des bénéficiaires de cette prestation les vendeuses de denrées alimentaires, pourtant si précieuses à l’heure actuelle. Cette prolifération d’approches différentes est une source d’insécurité pour les garderies, elle provoque la résistance légitime des professionnels de l’accueil des enfants et entraîne de profondes inégalités entre les familles du pays. Il y a lieu de définir des critères applicables dans toute la Suisse afin de réglementer l’accès à la garde professionnelle des enfants et de préciser la procédure à suivre dans les cas de grande difficulté.

Comme un véritable service public

Dans la situation exceptionnelle que nous vivons, il apparaît de façon douloureuse à quel point l’organisation et le financement de la garde des enfants comme un véritable service public universel seraient importants. Tandis que les écoles publiques, fermées pour cause de pandémie, peuvent investir leur énergie et leurs ressources dans l’organisation de l’école à distance et de l’accueil d’urgence, les garderies se retrouvent confrontées à des problèmes qui peuvent remettre en question leur existence même : selon les cantons, l’on demande aux familles de renoncer aux prestations des garderies, ou on leur en refuse carrément l’accès, et pourtant les structures d’accueil sont tributaires des contributions des parents pour survivre financièrement. Dans bien des cas, le chômage partiel n’est pas une solution, car pour pouvoir assurer le fonctionnement par petits groupes, ces structures ont besoin de leurs employé-e-s.

Afin de ne pas risquer de perdre une large part des indispensables places en garderie à cause du coronavirus, il est impératif de prendre pour l’ensemble du pays des mesures telles que celles décidées par le canton de Bâle-Ville : les parents ne doivent payer leur contribution que s’ils sollicitent la garde, et c’est le canton qui paie pour compenser les pertes (déduction faite des indemnisations de tiers, par ex. pour la réduction de l’horaire de travail, et de la diminution des dépenses pour frais de matériel), jusqu’au retour à la normale.

Lorsque la situation se sera normalisée, nous devrons trouver des réponses aux questions telles que celles-ci : quel travail est vraiment d’importance systémique et nécessaire au fonctionnement de la société ? Comment voulons-nous l’organiser, et surtout le financer ? Il est grand temps d’accorder une plus juste reconnaissance à celles est ceux qui ont la responsabilité de la santé et du bien-être d’autrui, de valoriser leurs salaires et d’améliorer leurs conditions de travail.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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