Finalement, pas de monde sans musique. Mais « bien » faire de la musique ne doit pas être le privilège d’une élite. Le 23 septembre, nous voterons sur l’encouragement de la musique pour toutes les couches sociales. D’autres pays nous montrent que c’est là chose possible.
Gustavo Dudamel Ramirez pourrait être le jeune frère de Carles Puyol. Il n’est cependant pas footballeur, mais chef d’orchestre. Lui et « son » Orchestre national des jeunes Simon Bolivar sont désormais des célébrités mondiales. Ils incarnent le « miracle musical » vénézuélien, un vaste projet qui va chercher les enfants et les jeunes pauvres jusque dans la rue et leur offre de nouvelles perspectives à travers une formation musicale classique et la pratique en commun de la musique. Grâce au soutien généreux des pouvoirs publics (« El Sistema ») a ainsi pu se développer un mouvement musical populaire qui réunit 300 000 enfants. Ils peuvent s’initier aux instruments et jouent dans plus de 200 orchestres. Gustavo Dudamel est la première vedette internationale créée par le système. Et il entre toujours en scène comme un footballeur…
L’exemple vénézuélien montre que la pratique compétente de la musique ne doit pas être « élitaire ». Et en quoi cela concerne-t-il la Suisse ? Combien d’enfants des couches sociales à faibles revenus parviennent chez nous à acquérir une formation musicale ? La réponse est évidente : beaucoup trop peu.
Égalité des chances aussi en matière de musique
C’est précisément ce que veut changer la communauté d’intérêt « jeunesse et musique ». En 2008, elle a déposé une initiative populaire dont l’un des buts était le suivant : « Nous voulons que tous les enfants puissent avoir la possibilité de fréquenter une école de musique sur une base volontaire. Les écolages élevés versés par les parents entraînent une limitation d’accès à l’enseignement musical telle qu’on ne retrouve dans aucun autre domaine du secteur de la formation. Cette discrimination contrevient gravement à la promotion de l’égalité des chances (Constitution fédérale art. 2, al. 3). » Depuis lors, l’initiative a été retirée parce qu’un contreprojet reprend largement ses objectifs. Le 23 septembre prochain, nous voterons donc sur ce contreprojet : le nouvel article constitutionnel 67a « Formation musicale ».
Convaincue du bien-fondé des objectifs visés ici, l’Union syndicale suisse (USS) recommande le oui à cet article. S’ils le souhaitent, la fille d’un manœuvre doit aussi pouvoir apprendre à jouer du violon et le fils d’une vendeuse s’exercer comme il se doit à la guitare électrique pour jouer dans son groupe de heavy metal. La première raison de voter oui est donc que les enfants des couches sociales à faibles revenus doivent pouvoir accéder plus facilement, c’est-à-dire à moindres frais, aux cours extrascolaires dispensés par les écoles de musique. Et cela ne concerne pas obligatoirement la musique classique. Celles et ceux qui préfèrent le rap, la musique de variété, le rock, le jazz, etc. devraient aussi être intéressés à ce que leurs enfants puissent apprendre dans les meilleures conditions la musique.
Contre une formation unilatérale
D’autre part, l’article constitutionnel entend renforcer la place de la branche musicale à l’école obligatoire. C’est juste, et socialement souhaitable. En effet, à l’école obligatoire, la musique – comme le sport – aide les enfants et les jeunes plutôt faibles dans les disciplines « du savoir » à faire de nombreuses expériences enrichissantes. Bien pratiquée, la musique crée un lien social au-delà des frontières culturelles. Je me souviens d’un spectacle musical présenté en 2002 avec des enfants, de la troisième à la sixième année (de 9 à 12 ans) dans le quartier fribourgeois du Schönberg, un quartier qui passe plutôt pour un ghetto en raison de sa population. Tous les enfants avaient leur propre rôle - ainsi que les enseignant(e)s, qui n’avaient encore jamais pu travailler aussi près de la réalité -, leur tâche et leur responsabilité propres. Tout cela, au service de l’œuvre présentée. Ce fut une école de la réussite, ce que seule la solidarité permet d’obtenir. Et les remerciements reçus ne prirent pas uniquement la forme des applaudissements nourris entendus lors des quatre représentations, mais aussi celle d’un nouveau respect entre enfants et enseignant(e)s. Presque « vénézuélien »…